05/12/2011

La ballade des mitaines à four


Terre, soir de décembre.

Descartes a dit: "Je penses donc je suis". 


Ça me va, mais c'est un brin réducteur et il me semble que ça a bien des petits cousins: 

Pourquoi pas, "je mange donc je suis ?" En quoi est-on moins "Étant" en mangeant qu'en pensant ? Et puis, qu'est-ce qu'être ? Et enfin, on parle de l'état physique ou de la conscience, qui existe probablement hors le corps ?

Pourrait-on dire donc: Je suis donc je fais, en lieu et place ?

J'en suis là dans ma pensive glissade... je glisse donc je suis ?...  et j'ouvre la radio. La boîte du loisir, outil informatif et source d'étonnement parfois, m'emballe dès le début de sa diffusion.


En effet j'apprends qu'une américaine a trois enfants, nés respectivement le 8-8-88, le 9-9-99 et le 10-10-2010. L'animateur ajoute que la femme n'a pas eu d'enfant le 11-11-2011.

"J'accouche, donc je fais des "je suis" ?".

Il me reste de ce bon pâté au saumon de cette poissonnerie des Halles d'Anjou. J'ai du vin. Mon estomac me lance; "J'ai faim donc je mange, peut-être ?".

J'ai des organes qui font du sarcasme.

Des volcans, des jungles et des rizières plus tard, je parle du sentier suivi par mon imagination pendant le réchauffement dudit pâté, "je réchauffe donc j'attends", j'allume une chandelle. 


J'allume donc j'éclaire. 

Une chandelle ajoute toujours un petit effet Gospel polynésien au condo. Un peu plus et je danse autour de la table en chantant des incantations à faire apparaître les morts.

Mais heureusement, le pâté est prêt.

Je le sors donc je brûle. Le bout d'un doigt. Pour la 33ième fois donc, je pense, Étant: "Des mitaines à four, des mitaines à four, des mitaines à four..."

Ce n'est pas que je n'y pense pas souvent, d'acheter des mitaines à four (Mitaines de four ? Mitaines pour four ? Four mittens and a funeral ?). 


Mais. Oui mais. 

Ma théorie c'est qu'il manque au cerveau mâle une coche dans l'ADN, à la case "mitaines à four". J'en ai besoin depuis 2 ans. Je ne pense pas y avoir pensé depuis. Sauf quand j'en ai besoin. Je pense pas avoir pensé donc j'oublie.

Ce qui n'empêche pas les rencontres accidentelles. Je me souviens de ma dernière rencontre avec des mitaines à four. Des pattes d'ours. 


Pourquoi faut-il que tout utilitaire soit aussi décoratif ? Demain je pense donc je cherche, donc je trouve et donc j'achète une paire de mitaines à four. 

C'est décidé.
Alors, quelques réactions de l'esprit:

"Yeah", "Sure", "You bet", "Mets-en ti-coune", "tu devrais plutôt mettre tes énergies sur la quête du bonheur..."

Le train des pensées est un cirque ambulant.

Tiens, je jurerais qu'il y a un sourire dans la flamme de la chandelle.

C'est une de ces soirées où le plaisir n'a que faire de l'inconfort. Comme quand, à 5 ans, malgré un masque d'Halloween craquelé par lequel je ne pouvais pas voir devant moi par plus qu'une ouverture pour l'oeil à la fois, j'ai quand même fait une récolte d'un bon 2/3 de taie d'oreiller de bonbons. 



Je me souviens qu'il était difficile d'avancer. Il faisait noir. Mon costume en mauvais plastique, trop long, déchiré depuis longtemps, disputait à mes semelles le droit de toucher le sol. Et ce masque que je m'obstinais à garder, Halloween oblige, par lequel pendant deux bonnes heures, je n'ai vu le monde déjà sombre que par un seul trou. 


Cinq ans, et déjà en mode survie.

Le pâté est excellent, la croûte croûtestillante. Le vin plein d'effluves. C'est bon, c'est chaud. Les cellules du corps sont heureuses. L'oeil est aussi charmé. Douce pénombre. L'oreille bercée par la musique. Un moment sublime.

À une petite dyslexie près;

Des mitaines de/à/pour four.

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