13/06/2011

Protéines lacrymales



Le quotidien est fait de petits drames, de petites découvertes, de petits bonheurs, de petits... bref, comme des petits mini-wheats dans une boîte de céréale, le bol du temps qui passe (misère Sylvain, force-toi un peu) est plein de morceaux d'expériences givrés d'un coté de sucre (les positives) et de l'autre, juste faites de foin sec (les négatives) baignant dans le lait froid du destin ( ti-Jésus, on dirait un adolescent en crise qui tente de faire de la poésie existentielle). 

Bref, le temps passe et des choses se produisent.

Je vous donne comme exemple, tiré de ma liste des mini-wheats non givrés, un coup du sort terrible que le destin vient de m'asséner dans les flancs: 


La compagnie Mennen vient de cesser la production du déodorant pour homme au musc. 

Depuis maintenant deux bonnes décennies, je parfume le monde ambiant à hauteur d'aisselles, d'effluves de musc. Partout depuis toutes ces années, dans les métros bondés, les autobus bondés ou les lignes de gens devant les guichets automatiques bondés (les lignes, pas les guichets), mon arôme de musc a charmé une gente féminine résistant mal, la plupart du temps, à la perte de conscience et... 

OK. N'empêche, plus de Mennen au musc, je suis supposé utiliser quoi maintenant ?  Un gel en pâte affublé du nom pompeux de "Brume de Mer" et qui m'a donné l'impression, quand je l'ai senti, d'émettre un petit quelque chose qui suppose avoir batifolé dans les algues avec des fruits de mer toute la nuit ? 

Mon musc. Mon Mennen au musc chéri. Je peux à peine y croire. C'est dur. Ça fait mal. Un coup de poignard au coeur. J'ai déjà perdu des guerres, mais là, je perds le Mennen au musc. Je survivrai, je sais, mais à quel prix. 

R.I.P. le Mennen au musc.

Mais la vie c'est aussi le coté givré des événements. Des anecdotes anodines qui, par leur nature, me rassurent tant sur l'état de l'Univers dans lequel je vis que je me sens soudainement englouti dans la bonne humeur. Je vous offre celle d'aujourd'hui, celle par laquelle j'en arrive presqu'à oublier la mort du Mennen au musc. Voici:

Des chercheurs ont étudié les larmes humaines et ont découvert que selon la raison pour laquelle on pleure, la quantité et la qualité des protéines contenues dans les larmes changent selon la raison pour laquelle on pleure !!! 


J'insiste parce que je sens que vous n'avez pas tout saisi de la magnificence de ce que ça implique.

En plus clair: Les larmes ne sont pas toujours les mêmes. Elles ont un taux de protéines qui varie selon ce qui a poussé le corps à les créer. Et maintenant, le plus beau de tout; 


Des larmes qui naissent d'une peine d'amour sont plus riches en protéines qui sont elles-mêmes de meilleures qualité que les larmes de la même personne qui naissent de la douleur de s'être cassé un os d'orteil après avoir frappé un meuble par exemple.

C'est pas fabuleux ça ? L'amour déçu met de la protéine dans vos larmes ! La peine d'amour fait, littéralement, des larmes de qualité supérieure.

Je trouve l'idée d'un IMMENSE romantisme.

Prenez la chose par l'autre bout de la lorgnette: des scientifiques se voient offrir des larmes à étudier par des policiers qui font enquête sur un meurtre. Il s'agit de trouver, pour élucider le meurtre, pour quelle raison la victime pleurait au moment du décès. 


Je vous rappelle que si on est dans la fiction au niveau du scénario, on est dans la réalité quand aux données. 

Donc, en laboratoire, on étudie les larmes séchées et on découvre que le taux de protéines dans les celles-ci correspond à un sentiment d'amour déçu et non de peur. Les policiers concluent à un meurtre passionnel. Ou autre chose, qu'importe. Ce qui m'intéresse c'est cette fabuleuse donnée: les larmes sont différentes selon les raisons pour lesquelles on les verses.

On peut par exemple imaginer un futur où dans toutes les maisons traînera un "Kit d'Interprétation des Larmes", un KIL, probablement fait par Johnson's et Johnson's, et qui, un peu comme le petit kit qui permet à une femme de vérifier en 3 minutes si elle est enceinte, pourra servir aux conjoints dans toutes sortes de situations délicates. 


J'imagine une scène de ménage vive, un couple en pleurs après les cris, puis Madame qui récolte une larme de Monsieur avant qu'il puisse réagir, s'enferme dans la salle de bain trois minutes...

- Chérie, tu fais quoi lâ lâ... ? chantonne t-il, un brin inquiet après un moment.

SLAMM ! (Bruit d'une porte de salle de bain qu'on claque);

- Mon écoeurant ! Le test dit que tu pleures pas parce que je m'en vais en voyage mais parce que Mennen ne fait plus de déodorant au musc !

SLAMM ! (Bruit d'une porte d'appartement qu'on claque).

- Mais ch..ch...chérie... mamourrrrrr... m'â faire quoi lâ lâ sans Mennen au musc ? 




(Vous constaterez ici encore, cher public, que les réactions masculines lors des scènes de ménage ne se sont guère complexifiées pour le mieux depuis le Cro-Magnon).

La prochaine fois que vous pleurerez, film triste ou mal de dent, songez que votre corps a d'abord pris la peine de faire un constat biologique de l'état chimique de votre corps et des émotions qu'il porte en lui au moment donné avant de définir précisément la nature des larmes qui vous sortiront des yeux.


Y'a pas à dire, les mécaniques qui nous entourent sont belles de complexités et de précisions.



Le genre d'étreinte que j'osais faire à l'époque du Mennen au musc...