24/12/2014

Quand la beauté tétanise...

Ça arrive peut-être 3 ou 4 fois dans une vie. Chez plusieurs probablement jamais. 

Je parle de flotter dans une librairie, l'oeil accrochant au passage le titre d'un livre ou le nom d'un auteur, l'oreille vibrant au hasard des commentaires ambiants.

Je suis là, près d'une libraire qui tente de résumer Murakami tant bien que mal. Plus mal que bien en fait. 

Je me dis que, si j'osais, j'interviendrais. 

Ne serais-ce que parce qu'il ne faut surtout pas proposer comme lecture d'introduction de Murakami, la trilogie "IQ84". 

Je me retourne, curieux de voir à qui s'adresse les explications de la vendeuse. 

Et là, j'ai une expérience rare. 

Je suis littéralement soufflé par la beauté de la jeune femme.
Soufflé, comme dans perdre le souffle. 

Sa beauté est parfaite. 

Il est très rare de ne pas pouvoir trouver un défaut sur un visage. Une paupière un peu basse. Une symétrie un brin lourde. Le jonction des lèvres moins fine que l'idéal. Un nez un iota trop aquilin. L'oeil trop pâle, moins parallèle que parfaitement avec son voisin. 

Quelque chose qui fasse penser: "ah... s'il n'y avait pas ça...". 

Mais chez cet ange, rien, dans le ton de la voix, le geste, la prestance ou le maintien… rien qui ne soit remarquable. 
 
Un ensemble absolument magique de lumière, de finesse et de grâce. 

J'avais une envie sérieuse de juste aller lui demander: "Est-ce que je peux juste vous regarder quelques minutes s'il-vous-plait ?" 

Mais les vieux mâles comme moi, qui se targuent d'être des gentlemen, ont acquis certains réflexes avec les années. Règle numéro un avec les dames: On ne fixe pas !

Alors je me fais discret. 

Une discrétion de profil. Faite d'oeillades. De semblant d'intérêt sur l'environnant. 

Et à chaque minute, je cède, et je me paye deux longues secondes de sa beauté. 

Elle s'en est aperçue je crois. 

Ça fait mal, mais je bât en retraite. 

Mes cellules sont comme les troupes de Napoléon prêtent à se rendre, devant Moscou, pour un peu de chaleur, de nourriture, de tendresse. 

Dieu ! La tendresse avec cette femme. Ça doit être… 

Je recule un peu plus. Je me laisse glisser dans une autre allée.

Et quand je relève les yeux, elle est partie. 

Et je ressens une sorte de vide. 

Il m'a été donné un cadeau. Puis on me l'a retiré. 

Il ne faut rien chercher à posséder, à garder pour soi, dans le courant de ce fleuve qu'on nomme la Vie. D'accord avec le principe. 

D'accord pour l'argent aussi. Le travail. Même l'Amour à la rigueur. 

Mais perdre la beauté…