01/11/2011

Henry Ford, je vous en veux.





    Il y a quelques années, après le vol d'une de mes possessions de tôle, aussi nommées automobiles, je me suis dit: "Bon ça va faire lâ lâ (quand je suis découragé je prends l'accent du Saguenay). La somme de mes difficultés karmiques avec les automobiles doit s'exprimer; Zola ! Hugo ! Dumas ! À l'aide, qu'on écrive l'ultime expression de la frustration moderne face à ces boites de tôles!

Zola et Hugo et Dumas ne se sont jamais présentés. J'ai quand même disserté un brin sur le fait.

Dernièrement, une amie m'a rappelé cette courte écriture rythmique. Ma douleur automobilesque. Mon drame permanent sur 4 roues. Ne suis-je fait que pour la légèreté du nuage ? Qu'en est-il de la possibilité de me mouvoir dans boîte tôlée et pneus gonflés sans drame ? Cette option m'est-elle refusée pour toujours ?  Dieu... Dieu... si Tu existes... es-ce là mon destin ?

Bon bon, on se calme. Allez Anges et Musique des Sphères, mains aux harpes et voix aux cieux. Pardonnez la jeunesse du texte, le temps passe...Voici donc:


    MES VÉHICULES  (poème en 5 épreuves)

   
    Mon premier tout blanc, Toyota de splendeur
    Boîte à savon discrète, enrhumée du moteur
    Plus le genre taxi de brousse que Mercedes DS
    N'a mis que deux semaines pour se blesser une fesse
    Eh oui, premier juillet, jour de déménagement
    Tant qu'à m'laisser tomber, elle choisit son moment
    Parfois presqu'une voiture, aux airs préhistoriques
    Ce porte-appareil pour cassettes huit pistes
    Dont le ruban tordu souvent restait au fond
    Je le salue quand même ce petit rien nippon


    Puis Dieu qui, au fond, aime bien ses enfants
    Dit; "Maintenant une neuve, pause de tourments".
    Et la Honda Civic apparut dans ma vie
    Au prix de l'effacement de mes économies
    Une quatre cylindres roulant comme une deux et trois quart
    Et dont la tôle vibrait quand il ventait trop fort
    On l'aurait égaré dans une peau de mouton
    Mais pour trois sous d'essence aurait rejoint Pluton
    Enfin, karma oblige, par une belle matinée
    Un samedi de mai, je m'la suis fait voler


    Avais-je eu ma leçon? Non, car je suis retourné
    Pour le meilleur ou le pire au ciel des usagées
    Mais du petit, du léger, du fragile...plus jamais!
    Maintenant je paraderais dans un gros Chevrolet
    Un char d'assaut messieurs-dames, un géant cosmique
    De la place à l'avant pour deux Honda Civic
    Ne passait pas où des autobus en doublaient d'autres
    C'était un roi d'acier, un noble aux pneus chauves
    J'ai usé des souliers juste à me rendre aux portes arrières
    Et pour le faire rouler, presqu'asséché des pétrolières


    Puis, triste souvenir, l'expérience de la rouille
    D'une "chose" se déplaçant avec la grâce d'une poule
    Nymphette des camionnettes, gruyère des véhicules
    Elle fut quand même utile, un peu comme une mule
    Rossinante fatiguée au capot papillon
    C'était bien davantage aventure que camion
    Pas moyen d'écouter la musique sans clins-clins
    Pas plus sûr de pouvoir ouvrir les portes demain
    Et pour finir ta vie, petite enfant fragile
    Sur un traversier tu laissa toute ton huile


    Arrive le moment où l'on dit: "C'est assez!"
    Je mérite dans le confort de me déplacer
    Pas de rouille, en ordre, bas kilométrage
    Une belle grosse auto rouge avec un passé sage
    Les semaines glissent, agréables, sans soucis
    Aurais-je enfin trouvé la mécanique bénie?
    Bien sûr, les contraventions, une dizaine
    Et dans cet hiver rude, immobile une semaine
    Alors, malgré les aléas, la paix de l'âme enfin?
    Eh non car un matin, on déroba mon bien


    Et se déroule ainsi le ruban de ma vie
    Solide presque partout, troué en mécanique
    De cette série comique aujourd'hui j'en suis là
    Quand je dis j'en suis là, je veux dire j'en suis las
    Peut-être un jour lointain, quand mes verres seront loupes
    Quand il sera commun d'avoir sa soucoupe
    J'étonnerai les gens, tous ceux qui m'ont connu
    En épique combat, Don Quichotte des rues
    Et pointant, déjà vieille, la source de mon transport
    S'écrieront ébahis: "Quoi? Tu l'as encore?"