31/10/2011

Deuil d'un peu de tôle.



C'est samedi matin. C'est jour de congé. C'est beau et frais. C'est café péruvien dans ma tasse préférée. C'est 9 heures après un bonne nuit de sommeil. C'est le corps reposé moulé dans ma grosse chaise rouge. C'est une conversation sur I-Chat avec une amie américaine.

La vie est belle.

À un moment donné, un fort bruit sourd vient de l'extérieur. Une sorte de "boom" sourd et glissant. Comme il y a des rénovations de l'autre coté de la rue, je conclus à une quelconque action d'une des lourdes machines à l'oeuvre. 

Le bla-bla canado-américain se poursuit, épicé d'humour.

15 minutes plus tard, un homme se présente à la porte. Mauvais signe: c'est un policier.

"Vous êtes propriétaire d'une Honda Civic rouge ?".

Moi, devant lui, drapé de ma trop grande robe de chambre rouge effilochée depuis longtemps, les cheveux d'avant-douche défiant en forme les oeuvres les plus abstraites, je lui répond dans un croassement, sans trop ouvrir les lèvres pour ne pas partager avec lui l'haleine du matin;

"Han... ouin".

"Votre auto a été tamponnée. Pouvez-vous nous rejoindre en bas avec les papiers de l'auto le plus rapidement possible s'il-vous plaît ?".

"F-U-C-K !".

Je ferme la porte et vais sur le balcon constater la scène de haut. 

Nombre d'autos de police: 5. Nombre d'ambulance: 1. Nombre de camion de pompier: 1. 

La rue est bloquée aux deux extrémités. Je cherche la Honda que j'ai stationnée devant chez moi la veille. Je fini par localiser un tas de tôle rouge en forme d'accordéon, qui me fait face comme pour me demander de l'aide... sur le parterre du deuxième voisin de droite.

Ma première pensée:

"Le gars est mort".

Je me brosse les dents et je pense déjà aux mois d'hiver que je vais passer dans les autobus. Je descends. La scène pourrait être un extrait d'une de ces émissions américaines, la fin spectaculaire d'une poursuite automobile.

Pour faire glisser si loin, et lui faire sauter une chaîne de trottoir, une tonne et demie de métal immobile, il faut que l'impact ait été impressionnant. Au milieu de la rue, deux autres automobiles démolies. La blanche à l'évidence est celle du kamikase. 

Trois policiers sont en train de passer les menottes à une homme agité, tenu au sol. Le fautif, évidemment.

Une fois installé sur le siège arrière de la voiture des policiers, on se regarde quelques secondes. Il est soul, évidemment. C'est à peine s'il saigne un peu du nez. Encore une fois je me dis qu'il y a un Dieu pour les gens en état d'ébriété; souvent ils se sortent indemnes, ou à peu près, des pires situations. Peut-être sont-ils sauvés par la mollesse de leur corps au moment de l'impact.

Débute alors le tourbillon des rituels obligés. Rapport verbal aux policiers, présenter des papiers, reprendre des papiers, essayer de voir qui, des remorqueuses qui se sont presque présentées avant l'impact (?!) s'il y a quelqu'un d'honnête dans le lot, essayer de rejoindre l'assureur (mais c'est samedi), choix de la fourrière, vider l'auto, essayer de comprendre pourquoi une voisine me crie après, j'accepte des cartes, je réponds à des questions...

Je grimpe à bord de la remorqueuse. L'homme est sympatique. J'apprends qu'il travaille de concert avec la police du quartier. J'ai donc fait un choix judicieux. Il me donne un drôle de conseil (que je vous transmet, ça pourrait vous servir un jour); Au sujet du montant que les assureurs offre en dédommagement aux sinistrés: c'est toujours le troisième montant offert qui est le dernier que les assureurs sont prêts à offrir. 

Ah bon !

J'en suis là. C'est lundi, mon assureur doit être à son bureau à cette heure. Faut que je prépare mon ton d'offensé et que je manoeuvre pour me rendre à une troisième offre.

Encore du théâtre. La vie vient de m'offrir un nouveau rôle.

Allez bonhomme, essaie de trouver manière à t'amuser un peu.