21/07/2013

1Q84, Murakami rêve encore...



Grosso-modo, il y a deux sortes de livres.

Ceux qu'on aime, ceux-là on les proposent aux amis avec plus ou moins d'ardeur, et ceux qui nous déplaisent pour une des 3333 raisons pour lesquelles un livre peut déplaire. Ceux-là, si on tient à ses amis, on ne leur en conseille pas la lecture.

Mais entre les deux grosses poches de valeurs et d'émotions littéraires, il y a un tout petit sac que je n'utilise pas souvent. Celui-là sert à y placer les livres que j'ai aimé, parfois beaucoup, mais que je ne conseillerais à personne. (Mais qu'est-ce à dire Sylvain ? Explique-nous ! Cela n'est-il pas une contradiction ? Diantre !) 


Ça faisait un bail que je n'avais pas mis un livre dans ce sac là. Aujourd'hui j'en mets trois. 

La trilogie de Murakami: 1Q84.

Pourtant, permettez-moi deux mots pour dire ce que je pense du type: "Merveilleux Murakami !"

Bon, déjà que l'auteur est spécial avec ses constantes allées et venues entre le réel et la fantaisie, (faut l'apprivoiser, on ne tombe pas amoureux de ses récits comme on peut le faire d'une bonne crème brûlée la première fois qu'on y goûte. Aaaaaah la crème brûlée….), 1Q84 demande qu'on s'y embarque avec de bonnes rames, l'esprit ouvert et peu d'attentes.

En fait, y'a pas plus japonais comme écriture.

C'est-à-dire qu'il faut accepter la lenteur, une extrême lenteur dans ce cas-ci, et de la répétition au point où on se demande si l'auteur se fout volontairement des règles de base du développement du récit conventionnel.

Chez un plus novice on pointerait tout de suite du doigt cet apparent amateurisme. On s'étonne: "le meilleur écrivain à ne pas encore avoir remporté le Nobel de la littérature (disent plusieurs), serait soudainement devenu malhabile à ce point, tout d'un coup ?"

On se gratte l'occiput. Il a la soixantaine, d'accord, mais pas déjà la sénilité ?!? Alors on lit une autre page. Et une autre. Puis une autre. Et arrive un moment, ça se fait tout naturellement, où on accepte de ramer avec lui sur les flots étranges ou on débarque de la chaloupe.

Ça dépend essentiellement si on a trouvé un moyen de trouver la lenteur intéressante.

Lenteur donc.

En fait la meilleure façon de mettre en garde ceux et celles qui seraient tentés par l'aventure, c'est de les avertir qu'il faut lire 1Q84 comme un japonais.

Et surtout pas comme un occidental, pour qui la plupart du temps c'est l'action qui est garante de la qualité d'un livre. "C'est ben plate, il ne se passe rien…". Ce commentaire est le socle qui sous-tend la majorité des jugements des lecteurs et cinéphiles de ce continent. 


Peu peuvent trouver beaucoup de joie dans une grande lenteur. Surtout chez les hommes. Les femmes peuvent mieux y trouver de la beauté mais les hommes sont trop impatients.

Parce qu'un livre de Murakami, c'est pas tout à fait un film de Bruce Willis. Les japonais n'ont pas inventé la cérémonie du thé pour rien. 


Je vais peut-être dire une énormité mais j'ai l'impression que la lenteur et la contemplation sont surtout des exercices asiatiques.

Quand les livres  de 1Q84 sont sortis au Japon, le succès fut immédiat. Un million de livres vendus en quelques jours et une deuxième impression a due être faite presqu'en catastrophe. Les critiques japonais ont encensé le récit. 


La moyenne des cotes sur le site japonais d'Amazon donne une moyenne de 4.5 étoiles sur 5. Ce n'est pas du chauvinisme de leur part. Les japonais lisent évidemment un auteur japonais "à la japonaise".

Maintenant, allez lire quelques critiques occidentales dans les journaux ou sur Amazon.com. L'eau du bain est beaucoup plus tiède.

Je maintiens que le problème n'est pas l'oeuvre de Murakami, mais l'incapacité de trop d'occidentaux de pourvoir lire 1Q84 comme un japonais.

Quel francophone va payer plus de $100 pour la version française des trois tomes ? Peu.

Est-ce que c'est une intéressante lecture ? Très.

Est-ce que je vous le conseille ? Non.

À part ça, vous passez un bel été ?