20/02/2013

Errance d'un navire orphelin

Cette anecdote aurait inspiré un formidable récit à Edgar Allan Poe ou à Lovecraft.

Il existe un vieux navire russe à la dérive, quelque part au milieu de l'Atlantique. 


Vide d'humains, plein de rats, le Lyubov Orlova, une vieille chose rouillée construite en 1976, était touée vers le large par un petit bateau, quand le câble reliant celui-ci à celui-là a cédé.

 Endommagé, le petit bateau a dû revenir au port, laissant le vieux russe flottant, tous feux éteints, prendre le large.

Dans les eaux internationales.

Là où il n'est la responsabilité de personne.

Là où il n'est sur aucun territoire.

Là où, assises face à face sur le pont par une nuit de pleine lune, les âmes de Raimbaud et de Nelligan réécrivent Le Bateau Ivre et Le Vaisseau d'Or.

Où le mèneront les courants marins ? Muet et aveugle, sera t-il frappé par une embarcation dans son délire géographique ? De quoi vont se nourrir les rats dans quelques semaines ? À quoi ressemble le ciel qui le chapeaute ce soir ?


J'aimerais bien être assis dans une petite nacelle au haut de son mat, ce soir. Histoire de me sentir vaste et de parler à Dieu à l'aise. 

Aux dernières nouvelles, le Lyuboy Orlova, se dirigeait comme une homme soul vers l'Irlande. Il devrait apparaître aux buveurs de Guinness un matin de brume, un jour donné, sur les côtes rocailleuses du pays de la cornemuse.  

D'ici là, il fait au moins rêver.