11/12/2011

Couleurs humaines



Il y a de ces moments qui font presque apparaître Dieu, à vos cotés, le sourire au coin des lèvres, qui vous balancerait un amical coup de coude dans les flancs en murmurant; 

"Regarde bien celle-là, tu vas aimer"...

Il y a une immense salle au cinquième niveau du Palais des Congrès. Celle qui parfois engloutie 8000 danseurs pour un Bal en Blanc par exemple. 

À gauche, sur le même palier, de plus petites chambres, pour groupes plus intimes. L'idée d'un Centre de Congrès c'est d'en avoir pour tous les goûts. 

Dans la grande salle hier soir, une grosse et enflée compagnie Québécoise a invité 1500 de ses partenaires les mieux nantis à fêter la Nâwëlle.

Ils arrivent en grappe, les riches convives. Les valets stationnent les grosses vouwhâtures. Ça sent bon les grands parfums et ça sonne plein les lourds bijoux. 

Ce soir, parmi eux, tout ce qui brille EST or. La galette sociale du Blanc bien nanti est grassement beurrée.

"Attends, attends, ça s'en vient"...

Cré Dieu. Impayable Celui-là.

Dans une petite salle du fond, un groupe de Sénégalais prépare une fête religieuse. Dans la froide grisaille de décembre, ces gens-là sont des lumières. 

Foncés de peau, Orange-vif, Blanc-vif, Jaune-vif, Rouge-vif, Vert-vif, Bleu-vif de vêtements. Non, ce ne sont plus des vêtements, ce sont des lumières ambulantes. Pendant une heure bénie, ils arrivent, autant de touches de clair sur fond sombre.

Et ces corps, tous en hauteurs. Des humains comme des lampadaires. Les femmes drapées de tissus clairs, les hommes... des hommes. De la beauté, de la joie. Et un ensemble  qui semble incapable de ne pas danser.

Une autre heure passe. Je rêvasse quand Dieu me secoue doucement: "Hé, oh, on y est... regarde."
 
D'un coup, c'est la commotion dans la place. Les têtes tournent. Les bouches béent.

Du corridor de gauche une rumeur crescendo gronde. Un cri modulé par environ 200 gorges chaudes.

V'là t'y pas ma gang d'Africains colorés qui se dirige droit vers le hall où se situent les bars du groupe numéro un, les possesseurs de grosses bagniôôles, en chantant, et quand je dis chanter je pourrais dire crier, quelque chant de brousse M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E. 

Ils sautent en harmonie, sur le pied gauche, sur le pied droit, une main sur l'oreille à la fin de chaque "couplet".  Et ça beugle à écorner un président de compagnie.

Et là, les quelques minutes qui ont suivies; MAGIE !

Pour avoir accès aux escaliers roulants, les Africains pour quitter, les autres parce qu'il faut bien aller en fumer une entre deux cognacs, il ont dû s'entrecroiser, dans un méli-mélo hilarant.

Pendant trois ou sept minutes bénies, les draps jaunes aux motifs vivants et libres ont frottés les tuxedos et autres amis d'Armani, deux ou trois savates ont écrasé le bout de cuir d'un soulier italien et quelques haleines d'alcool ont soufflé leur étonnement, parfois leur ravissement, rarement leur agacement... que leur party annuel de la Nâwëlle puisse inclure une si belle surprise.

Pas rapport pourtant. Mais le sens de l'humour du destin...

Je me suis délecté. J'ai gobé la scène, les yeux comme des éponges. Puis j'ai donné un coup de coude amical dans les flancs de Dieu;

- "T'avais raison. D-I-V-I-N".

Mais Il n'était plus là.



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