21/02/2011

La première phrase...

Il y a quelques années, un magazine français a fait un grand sondage, demandant à ses lecteurs quelle était à leur avis, la première phrase d'un roman la plus "efficace" de la littérature française. Le gagnant: tiré de "L'étranger" de Camus, (hummm et que ma mémoire de gruyère me soit à peu près fidèle...); 

"Hier, maman est morte". Ou peut-être est-ce; "Ce matin, maman est morte". Ou "HIER MATIN, maman est morte". Je suis désolé pour l'imprécision. Bon, je vais poursuivre avant de vous proposer "Hier maman a attrapé un virus et le diagnostic est inquiétant ..." (il vous faut savoir que je suis de nature dans l'indécision comme d'autre sont dans les Affaires...), enfin bref, Camus. Pas un mauvais choix. Court. Punché. Précis. Le lecteur dont il faut attirer l'attention et développer l'intérêt le plus vite possible, se demande déjà après quelques mots seulement; "Est-ce que le narrateur a quelque chose à voir avec cette mort ? Elle est morte de quoi ? Comment ? " "Je ne fais pas confiance au narrateur, il est trop calme, trop direct..."

Donc, en effet, une entrée en matière efficace. 

Personnellement, j'ai lu mieux. Un auteur de science-fiction, Frédric Brown, débute une de ses nouvelles ainsi:  "The last man on Earth heard knocking on the door. " Et TOC ! Comme dirait Gaston Lagaffe. Le dernier homme sur la planète ? Et il entend frapper à la porte ? Avouez qu'en tant que lecteur vous êtes déjà émoustillé. QUIIIIIIIIIIII frappe à la porte ?????????? Et comme il s'agit de science-fiction, le lecteur peut se permettre les hypothèses les plus folles. Un robot ? Un extraterrestre ? Albert Camus ? 

Le début d'une histoire est d'une importance capitale pour qui cherche à vérifier si il-elle va se laisser ou non charmer par le récit proposé, particulièrement dans le cas d'une nouvelle, une forme plus courte où il n'y a pas de temps à perdre. J'aime particulièrement qu'un auteur me bouscule avec du dialogue pour ouvrir le chantier. Quelle est la proportion des romans ou nouvelles qui débutent par les paroles d'un personnage ? C'est pourtant diablement efficace;

"NON !"     
Le cri venait du fond du corridor... etc.

Un mot. TROIS LETTRES. Et déjà on se questionne. Je suis fan. 

Ou encore: 

"Ouiiiiii, aaaaaah oui.... oui oui oui..... oooooooooooh"
...et la vieille dame étala sur la planche de Scabble son mot compte triple ! (Ben kesskiya ? Vous pensiez à quoi ?)

J'ai fini par passer au travers de "La Recherche du Temps Perdu", de Proust, ouin, du temps perdu... mais je ne peux pas dire que c'est une littérature qui m'a empêché de dormir. (tiens, idée: conseiller Proust à mon amie insomniaque...). Je me souviens d'une page, dans la collection Folio, une page complète où il n'y a QU'UN SEUL POINT ! C'est le royaume de la subordonnée. Le paradis de la digression. Ça fourmille de virgules. C'était avant la Grande Guerre. La viande était rare et pour Proust, les points aussi. Proust et Brown ne se seraient pas bien entendu. Le bon Marcel aurait débuté "L'étranger" de manière bien plus serpentine:

- HIER, par un temps splendide, le ciel peint de nuages oblongs, ce qui faisait dire à Guermantes que le souffle de Dieu sculptait de bien belles mousses, terme qui rappela à sa mémoire que le dessert du jour, des mousses au chocolat, son dessert préféré, ces mousses que portait Paul dans le sac de toile à fond plat.... 

...page 22... dans le brasier du noir destin de sa soeur utérine, MAMAN EST MORTE. 

zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz....

Mon très humble avis c'est qu'un texte de qualité commence avec une introduction minimaliste de l'histoire à raconter. 

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Aujourd'hui, Sylvain a ventilé un peu...



4 commentaires:

  1. Est-ce que c'est moi l'amie insomniaque?

    Si c'est le cas, Proust j'ai déjà lu, merci.
    :)

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  2. Oui. Je vous déclare officiellement mon amie insomniaque (un genou par terre s'il vous plaît, que mon épée vous chevaliérise...)

    Pour Proust c'était une semi-boutade, évidemment. C'est une oeuvre géniale mais lourde et lente. J'ai l'impression que beaucoup de Classiques de l'époque, Les Misérables, Madame Bovary, Le Rouge et le Noir... auraient peu d'impact s'ils étaient publié aujourd'hui. Trop lourds et lents. Trop faits pour leur temps. Je pense que Dumas pourrait s'en tirer. Monte Cristo par exemple. Et Maître Tolstoï et quelques russes, pour l'intensité de leurs propos. Proust ? En cette époque qui porte aux nues la trilogie MILLÉNIUM ? Hummm... (et si Lisbeth mangeait des madeleines...)

    Mon humble point de vue.

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  3. Je me souviens d'avoir été étonnée de la première phrase, non pas d'un roman, mais du fameux livre du psychiatre Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté:...La vie est difficile.

    La vie est difficile point.

    Je me suis dis: tu parles d'une mise en contexte efficace ! Intro minimaliste en effet...

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  4. En effet, c'est raide et négatif comme début. Un psychiatre, de par sa formation, offre de l'aide. Les gens qui ont acheté ce livre cherchent des réponses. Que leur première rencontre soit lié par ce constat: "Too bad les amis, la vie est difficile"... bof. J'aurais aimé une courte phrase "ouverte" et intrigante, du genre:

    "L"aide c'est vous !"

    Et ensuite on s'explique. Mais bon, qui suis-je pour contester le bon docteur Peck. Et puis il a peut-être raison, peut-être qu'une bonne première phrase doit être dramatique. (Référence au choix des Français: "Hier maman est morte").

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