19/07/2011

Salut les artistes !

On fait tous de la musique.

On émet des sons. Ton de voix d'abord. C'est la deuxième identification que l'on envoie au monde, la première étant visuelle bien sûr; celle du corps. On diffuse sur tous les octaves. Rires, cris, vocalises, chansons, soupirs, pleurs, rots, toux...

On fait donc également tous du cinéma. Du cinéma parlant. On bouge dans la masse. On touche et on interagit. On participe au film du quotidien. La scène: la planète. Nombre d'acteurs: 8 milliards. Scénario: C'est l'histoire de 4 milliards de mâles et 4 milliards de femelles du genre humain, qui se lèvent à chaque matin, émettent mille milliards de commentaires qui nourrissent mille milliards de situations, tout en mangeant, travaillant et bougeant comme des guêpes pour aller quelque part ou nulle part. Et puis les 8 milliards d'acteurs se couchent pour récupérer un peu avant de recommencer le lendemain. C'est le meilleur film jamais écrit.

On fait aussi tous du théâtre; on se fabrique des drames avec délectations. J'aime bien le classique "je l'aime-il-elle ne m'aime pas-ah douleur-la vie vaut-elle la peine d'être vécue ?" Une de mes trames préférées. J'aime moins le "Je-me-moi est important-je suis le meilleur-j'élève des vers de terre mieux que quiconque". Et entre les deux il y a les myriapodes du possible. Si les drames ne manquent pas, imaginez les sous-drames: "Horreur, je vais manquer de ceci ! Urgence d'acquérir plus donc ! J'ai peur. Je perds. Je me perds," donne de bons moments. "Je suis malchanceux-victime-j'ai pas pigé les bonnes cartes, ma bonne étoile m'a oubliée..." est un triste vaudeville. Je me suis lassé de cette pièce-là. Je n'en fait plus, je ne la regarde plus. Mais bon, il faut de tout pour faire du cinéma.

Et puis, heureusement, il y a les fous et ceux qui croient au spasme de vivre. Ceux-là voient le feu d'artifice dans les cabines de train, les salles de cours, les cafés bondés. Pas de médicaments génériques en rupture de stock pour eux. Un verre de vin de temps en temps et l'excitation débloquent les artères du coeur, les valves du plaisir. Ils leur manque peu, s'il leur manque quelque chose. Et s'il leur manque quelque chose, ils l'inventent. Il y a du théâtre par tout le monde, pour tout le monde.

Et puis on chante tous. Au propre; dans la douche, l'auto, en coupant le légumes. Au figuré; on chante la pomme en faussant à celle qui a des yeux illégaux. On chante des bêtises à son Dieu quand on se sent laissé pour compte. On chante qu'on est là, présents, vivants. On chante comme ténors pour se relier au monde.

Et on danse. On danse le petit pas pressé. On danse le grand entre-chat au-dessus d'une flaque d'eau. On danse la course à l'autobus et le tango de l'impatience quand on rate le métro. On danse aussi tous très bien le surplace à l'occasion.

Et on mime avec maestria. On mime la peine et la bouderie avec finesse. On mime le désarroi superbement. Oh et combien parfaitement on mime sa solitude ! Une couverture, le froid du dehors l'hiver, et on fixe un téléphone qui ne sonne pas, l'oeil humide. La tristesse de l'archi-détresse n'aura t-elle de cesse, d'archi-cesse ?

On fait tous du show-business.

Nous sommes tous de grands, de TRÈS TRÈS GRANDS ARTISTES.

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