09/06/2011

Je suis un soir d'été



Vu D. à sa résidence aujourd'hui. 82 ans, une mémoire d'éléphant pour les souvenirs d'enfance mais jamais capable de se rappeler ce qu'il vient de manger. Son amie en phase terminale à M-R. Un nouvel intérêt pour les dominos et... les fleurs ! Ai fait son lavage, puis virée aux Galeries d'Anjou pour lui acheter des souliers et un maillot de bain. 

Parlé à son infirmière quelques minutes. Je lui ai demandé pourquoi elle me disait toujours "Bonsoir" à midi et demie, à mon arrivée. Parait qu'en Haïti, Bonjour = a.m. et Bonsoir = p.m. Ah bon, première nouvelle. Faudra que j'en parle à F. et T. mes collègues de travail haïtiennes... qui me disent "bonjour" jusqu'à 8 heures le soir.

Retour à la maison. Le poulet n'étant pas dégelé, je me fais une bouffe de restes. C'est bon les bouffes de restes... quand les restes sont bons. Et c'est rapide. Je mange debout sur le balcon. J'ai l'impression que c'est mon premier congé depuis 6 mois. Les petites semaines s'en viennent. 4 congés la semaine prochaine. 

Faudra faire la peinture. J'ai choisi l'orange de la salle de bain. C'est beau orange une salle de bain. J'ai l'impression de prendre ma douche au milieu d'une Sunkist. Puis un verre de vin et demi, l'ordi sur le balcon et Radiohead "... so very special... i wish i was special... but i'm a creep..." puis Yellow de Coldplay. C'est fou comme j'aime ces deux chansons-là. Elles se ressemblent beaucoup d'ailleurs. Je les écoutent en boucle avec, en parenthèse, Duncan de Paul Simon. Parfois il en va des chansons que j'écoute comme de mes vêtements; j'en ai une panoplie, mais je mets toujours les mêmes. Je pense qu'on est tous comme ça. Y'a t-il un être humain sur Terre qui a deux paires de jeans ou plus qui n'a pas sa paire préférée ? On devrait ne se contenter que de posséder des préférés. Pour voir si on développerait une préférence parmi les préférés.

En bas, dans la rue, c'est le cinéma quotidien de juin. Des enfants jouent. Il devrait y avoir une loi qui empêchent les enfants de faire autre chose que de jouer. Mettons de 0 à 6 ans. Défense de ne pas jouer !

- "Maman je voudrais faire le ménage de ma chambre !"
- "Pas question ! Prend tes poupées et un ballon et va jouer dehors !".

Maman a fait la bonne chose. Maman a agit légalement, moralement c'était aussi la chose à faire. Maman a vu juste.

C'est fou ce qu'il y'a d'enfants dans mon quartier. Quand je racle la ville avec mon intérêt-râteau, j'ai l'impression qu'il n'y a plus d'enfants. Ils sont tous ici. Les roux-rousses surtout. Il y a plus de rousses sur ma rue que dans les micro-brasseries de Chambly. En vérité en vérité je vous le dis; le gène du roux flotte dans le ciel du nord-est de la ville. Avec quelques autres particularités citadines; un BBQ pour 5 balcons environ. Ces horreurs qui brûlent le gras de viandes et dont les fumées, avec la complicité du vent, s'alignent toujours plus ou moins élégamment vers ma porte de balcon. 

Immanquable. 

Je me souviens d'un party plus jeune. Il y a avait un fumeur et où que je me déplace, la fumée de sa cigarette me suivait. Je suis un charismatique des fumées. Je vais ajouter ça à mon C.V. tiens.

Une vieille table est à donner chez mon voisin. Une bibliothèque appuyée sur un arbre. Un homme nettoie sa tondeuse à gazon. Une femme tient son bébé sur sa hanche. Jeux de rôles multi-millénaires. 

Est-ce que les rôles masculins et féminins ont tellement changés depuis le Cro-Magnon ? L'homme et sa machine. Ça pourrait être le nettoyage de son gourdin avant la chasse. La femme et le dernier-né. Elle est moins poilue et il a une plus grosse tête que son ancêtre, mais à part ça ? Qu'est-ce qu'on trouverait de surprenant à cette époque si on pouvait sauter dans la machine à voyager dans le temps de H.G. Wells ? Une hygiène primaire pour dire le moins. Des poux. Une espérance de vie de quoi... 25 ans ? Il y aurait des surprises. Un dépanneur qui vend des Kit-Kat ? Non bien sûr. Mais peut-être du sport. En finale du lancer du gourdin, l'équipe de Gnouk mène 3-2 contre les goons de Glokk.

Alors, naturellement, le samedi soir venu:

- "Je te laisse à ton maudit sport Ploufcroute. Les filles on va cueillir des fleurs dans la vallée... "
- "Je vous comprendrez jamais Plankkritte. Sprouchniaque, le meilleur lanceur de gourdin va lancer tantôt et tout ce qui vous intéresse c'est d'aller dans la vallée..."
- "Gourdin gourdin... ma mère avait raison. J'aurais dû marier mon premier amour. Un gros sourcil unique et épais au milieu du front... aaaaaaahhh.... il était sexy au moins celui-là." 

Il y avait aussi des soirs d'été à l'époque.

Pour ceux que ça intéresse, l'équipe de Sprouchniaque l'a emporté en supplémentaire mais lui-même a été mangé par un dinosaure le soir même en allant uriner dans les bois. Pendant ce temps-là, les filles ont découvert que quand elles écrasaient et mélangeaient un peu de pétales d'une fleur rouge avec de la boue pour s'en mettre sur les lèvres, les jeunes mâles de la tribu du fleuve les regardaient d'un oeil brillant.

Et c'est pourquoi aujourd'hui on est là les ami(e)s.

La rue se calme. Les enfants entrent. C'est l'heure du bain. Quelques lumières s'allument dans les logements. C'est le moment pour Chloé Ste-Marie. Le ciel et moi, on suit le même rythme. 










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